Imaginez un journal de communication interne tellement apprécié par les salariés qu'ils le réclament quand il a du retard ! Un journal jugé comme "le seul utile" d'un groupe de plusieurs dizaines de milliers de salariés. C'est le rêve de tout communicant... Pendant six ans, Nathalie a conduit une équipe de rédacteurs volontaires et leur a transmis un savoir-faire encore trop rare en entreprise, celui de journaliste.
Interview de Nathalie - qui a souhaité rester anonyme - aujourd'hui directrice au sein d'une institution du secteur banques/assurances.
Script :
Nathalie, tu as atteint un objectif très difficile, créer un journal de communication interne dans une grande entreprise qui soit réellement lu par les employés.
Pour y parvenir, tu as appliqué des bonnes pratiques de ton ancien métier, métier de journaliste.
Je te remercie beaucoup d'avoir accepté cette interview.
Je vais te poser plein de questions pour essayer d'en savoir plus.
Comment est-ce que tu as fait ? Quelles ont été les difficultés ? Quelle est la mesure du succès ?
On y va ?
On y va.
Pour commencer, on peut parler de ton parcours.
Tu as commencé avec le journalisme.
J'ai commencé ma carrière professionnelle avec le journalisme dans la presse professionnelle.
Un métier que j'exerçais avec passion pendant 13 ans.
En un mot, très rapidement, qu'est-ce qui t'a fait passer du journalisme au monde de l'entreprise ?
C'est certainement l'envie de faire autre chose.
C'est aussi des circonstances personnelles.
Parce que j'ai quitté Paris pour suivre mon mari, pour être transparente.
Et je n'ai pas retrouvé dans la presse lyonnaise un journal dans lequel je me sentais aussi peut-être libre d'expression ou avec autant de fonds.
Et je ne retrouvais pas parfois dans l'évolution de la presse une satisfaction dans la mesure où il y avait une certaine évolution qui visait à notamment mettre en exergue parfois plus les difficultés des entreprises que les réussites.
Ce côté-là me posait problème en réalité.
J'avais envie d'avoir une presse objective et pas une presse qui parfois pouvait avoir des titres au choc, pouvoir être relue, ce que je peux comprendre.
Mais voilà, ce n'était plus dans mes valeurs.
Et donc, j'ai choisi de changer de vision, de perspective de carrière.
D'accord.
Donc, tu rentres dans cette entreprise dans laquelle tu es toujours, pour occuper ce premier poste, où tu es chargée de communication, responsable de la communication interne et externe pour toute une région, je crois, c'est ça ?
Pour une grosse région française.
Et donc, tu rentres sur ce poste pour faire de la communication, mais le journalisme et la communication, ce n'est pas la même chose.
Comment est-ce que tu gères ça à ce moment-là ?
Effectivement, là, du coup, j'ai trouvé justement que le fait d'avoir eu cette expérience de journalisme, j'avais envie de la mettre à profit de l'entreprise.
Pourquoi la mettre à profit de l'entreprise ?
Parce que ce souhait, vraiment, de transformer la communication.
Souvent, je trouvais que dans les entreprises, la communication d'entreprise a pour objectif de montrer que tout va bien dans le meilleur des mondes la plupart du temps.
Et ce n'est pas vrai.
Ce n'est pas vrai.
Ce n'est pas forcément comme ça que les salariés vivent les choses.
Et je trouvais que l'on devait mettre en pratique ce que j'avais à cœur de mettre en pratique dans le journalisme, c'est-à-dire d'avoir toujours en tête l'objectivité.
L'objectivité des situations.
Oui, il y a un projet qui va se mettre en place.
Les salariés en ont peur.
Eh bien, je ne vais pas cacher la peur parce qu'elle existe.
Et donc, je vais même aller chercher des témoignages sur cette peur parce que si j'arrive à comprendre la peur qui s'exprime à travers les témoignages que j'aurais recueillis, eh bien, je serai mieux à même derrière de faire un travail peut-être de communication pour le coup, d'apporter les éléments de discours, les éléments de compréhension qui permettront d'atténuer la peur.
Mais si je ne vais pas aller chercher ce que ressentent au plus profond d'eux les salariés, pour moi, ma com, elle sera travestie d'une certaine manière, parce que je l'aurais construit depuis, entre guillemets, peut-être une tour d'ivoire sans être allée vraiment chercher la réalité du terrain.
Et donc, en travaillant autrement, on pouvait justement vraiment créer un pont plus fort entre le terrain, la communication et la direction finalement, la direction générale de l'entreprise.
Alors, tu le disais, c'est une approche qui est très, très novatrice.
Au moment où tu arrives et que tu commences à faire ça, est-ce que les personnes qui t'ont embauchée savaient que tu allais travailler de cette façon-là ?
Alors, non, on avait échangé justement sur l'expérience que je pouvais avoir et ce que ça pouvait apporter à l'entreprise.
Mais très vite, le directeur général a été plutôt séduit par la proposition de création d'un journal d'entreprise fait par des salariés pour des salariés et avec l'ambition de faire de ces salariés des journalistes de quelques journées, parce que ce n'était pas leur métier à part entière, mais c'étaient des journalistes d'un jour, plusieurs jours dans l'année en réalité.
Et donc, il a été séduit par l'idée et il m'a toujours soutenue.
En posant les règles, en posant les principes, il était convaincu que c'était une très, très bonne idée.
D'accord.
Donc, tu arrives avec une idée, tu es soutenue.
Tu parles de journaliste d'un jour, c'est-à-dire que tu travaillais avec d'autres personnes qui étaient volontaires dans ce projet, qui travaillaient dans la communication et que tu coachais, un peu comme une rédactrice en chef, on peut dire ça ?
Exactement, c'est-à-dire qu'en fait, j'ai créé un comité de rédaction que j'organisais comme était organisé un comité de rédaction dans un journal.
On a fait appel à des salariés volontaires qui étaient prêts à être formés par moi-même au journalisme, pour construire ce journal qu'on allait construire ensemble.
On a associé aussi les salariés d'entreprise pour qu'ils imaginent le nom de ce magazine, de ce journal.
Donc, on a eu 300 propositions de noms, ce qui était quand même assez important pour une région qui comptait 750 salariés ou 800 salariés.
Et donc, voilà, ça a été le début d'une très, très belle aventure.
Et puis, j'ai formé ces salariés volontaires.
Donc, il y avait un petit comité de sélection pour les choisir, bien évidemment, mais sans les exiger non plus que ce soit des plumes.
On était sur un journal de presse écrite, j'insiste, à l'époque, ça ne marchait encore pas trop mal.
Mais donc, voilà, c'était vraiment un vrai comité de rédaction avec des journalistes qui avaient des propositions de sujets et on débattait sur les sujets qu'on allait choisir en fonction des différents rubriquages qui avaient été réalisés dans le journal.
Donc, l'équivalent d'une conférence de rédaction, finalement, vous vous retrouvez, vous choisissez, vous débattez des sujets et ensuite, vous partez sur le terrain.
Les gens dans l'entreprise ont dû être drôlement surpris quand même parce qu'un journaliste, ça pose des questions parfois qui amènent des réponses qui fâchent.
Tout à fait.
Donc, au départ, il y a eu une surprise, effectivement, mais qui a été très, très bien accueillie par les salariés.
Très, très bien accueillie par les salariés qui ont vu là un moyen d'expression, notamment pour ce que j'appellerais la majorité silencieuse dans les entreprises, tous les salariés qui, finalement, travaillent et ne s'expriment pas.
Donc, c'était un peu l'objectif, finalement, c'était d'aller à leur rencontre pour savoir ce qu'ils pensaient, de recueillir leur avis sur des projets, des actions, pour mieux les connaître aussi.
Parce que l'objectif de ce journal, c'était aussi d'aller à la rencontre des salariés d'entreprise pour que chacun sache qu'il fait quoi dans cette entreprise.
Parce que ça, c'était important pour nous, de créer un genre d'esprit de famille.
Parfois, on travaille, mais dans des étages différents et on ne sait pas ce que fait l'autre.
Mais on allait sur le terrain, dans des agences, dans des sites de back-office, à la rencontre des salariés.
Donc, ça, c'était assez novateur, effectivement.
Alors, ça s'est bien passé côté salarié, parce que pour eux, c'était une manière de leur donner la parole, une parole libre, qu'ils sentaient les bains.
Parce qu'on leur avait bien expliqué dans l'édito, dans le comité éditorial, qu'ils pouvaient dire ce qu'ils voulaient.
Ils étaient libres, il n'y avait pas de souci.
Donc, chacun était libre de dire ce que je dis.
Je le dis, j'affiche la couleur, je donne mon nom, etc.
Et certains étaient un peu plus gênés.
Donc, ils disaient non, non, c'est off.
Mais par contre, je veux bien que mes verbatims soient repris, etc.
Voilà.
Donc, on travaillait comme ça, en bonne intelligence.
Il ne s'agissait pas de mettre des salariés en difficulté non plus.
Et pour nous, c'était important de recueillir ce qu'ils ressentaient, la réalité des choses, la réalité de leur vision des choses, de leur ressenti, toute liberté.
Donc, voilà, côté salarié, pas de souci.
Côté syndicaliste, un peu plus compliqué au départ.
Surtout qu'un des premiers sujets portait sur la réorganisation du temps de travail et que, en gros, ils estimaient être les uniques représentants des salariés.
Finalement, que le journal d'entreprise donne la parole également à des salariés, à y chercher aussi cette parole des salariés, ça les mettait un petit peu en difficulté, clairement.
Et puis, l'autre difficulté, parfois, que j'ai pu aussi vivre dans mon quotidien, c'était au sein du comité de direction, parce que certains directeurs appréciaient mal que, finalement, l'entreprise investisse dans un journal et que ce journal puisse parfois émettre des doutes sur une stratégie qui était portée.
Donc, voilà, il a fallu aussi faire preuve de conviction à la fois vers les syndicalistes pour leur dire qu'on avait le droit, en tant que directeur et d'aller à la rencontre de nos salariés et de recueillir leur avis, ce qui n'était pas forcément naturel.
Et au sein du comité de direction, pour leur expliquer tout l'intérêt que je voyais d'un journal dans lequel les salariés s'exprimaient et qui était aussi une manière pour eux de connaître les difficultés qui pouvaient éventuellement être ressenties sur le terrain, pour pouvoir ensuite aller à leur rencontre avec des arguments de nature à réduire l'anxiété des salariés.
Est-ce que tu peux nous donner un exemple très concret de mémoire d'un sujet qui a pu être, malgré des difficultés ?
Clairement, il y avait un sujet qui avait été très touchy parce qu'on était en pleine réorganisation du temps de travail.
Et c'était un sujet tabou, très compliqué pour la direction, pour les salariés, pour les syndicats, il y avait un drap de fer.
Et donc, évoquer ce sujet, aller à la rencontre des salariés via un nouveau journal qui s'ouvrait et qui allait interroger des salariés sur le sujet, c'était un petit peu déstabilisant, déroutant pour les uns et pour les autres.
Mais l'intérêt que j'ai pu voir, moi, en tant que responsable COM, c'est que finalement, les salariés ont été assez satisfaits qu'on leur donne la parole à travers ce journal, et quand on a recueilli tous les avis qu'il pouvait y avoir, j'ai assez vite compris qu'il y avait un problème de sens, un problème de compréhension.
Et donc, c'est là qu'on reprend son métier de COM, et à travers des infographies, à travers des explications, on a pu enlever une large partie des doutes qu'il pouvait y avoir.
Et finalement, en donnant la parole à des salariés, à cette majorité silencieuse finalement, on s'est rendu compte que ce n'était pas si horrible que ça.
Parce que les syndicats nous remontaient à mal être quelque chose de très compliqué sur le terrain, mais qui en réalité concernait une partie des salariés.
Mais certainement pas l'intégralité.
Et le fait de pouvoir le mettre sur table, et puis le fait aussi de ne pas avoir peur d'appréhender le sujet par ce journal d'entreprise, et de même, en jouant sur un jeu de mots, en disant, ça s'appelait Optimisation du temps de travail OTT, un sujet hot, c'était « Allez, on y va, on en parle.
» On en parle, on le couche sur le papier ce sujet, et puis on essaie de… Finalement, chacun avait un intérêt majeur sur ce plan, sur ce sujet stratégique.
Et finalement, le fait, la rédaction de cet article, sur lesquels les managers aussi se sont appuyés derrière, et bien ça a permis finalement de faire passer ce projet, qui a venu très vite finalement dans sa vie réelle, et n'a pas posé derrière les problèmes auxquels on s'attendait.
Parce qu'au départ, il y avait un vrai bras de fer.
Pour avoir une idée très concrète de la tonalité du ton donné par ce journal, est-ce que tu peux nous donner un exemple d'une interview dont tu te souviens, de propos recueillis qui, peut-être, étaient un petit peu durs ?
Qu'est-ce qu'on pouvait lire dans ce journal à ce moment-là ?
On a pu, clairement, sur un des projets stratégiques qui avaient été menés, avoir des salariés qui écrivaient noir sur blanc.
Encore un projet stratégique.
En fait, on pouvait retrouver des fois dans le journal, des témoignages de salariés qui remettaient complètement en cause la stratégie d'entreprise, qui estimaient ne pas la comprendre, l'estimaient parfois difficile à accepter pour des salariés.
Et donc, voilà, ils pouvaient émettre sérieusement leurs doutes, parce que, oui, ça correspondait à une réalité des salariés, et qu'on ne pouvait pas ne pas parler de cette réalité des salariés qui émettaient des doutes sur une stratégie d'entreprise.
On y allait vraiment en leur disant « qu'est-ce qui vous inquiète ?
» et on reprenait les verbatim réels des salariés qui exprimaient leur attitude.
Après, on pouvait reprendre des points structurés comme ça, parce que dans un journal d'entreprise, les salariés n'ont pas trop le temps de lire, donc il fallait que ce soit magnifié d'une certaine manière, parce que les gens le lisent vite, mais que chacun puisse s'y retrouver, parce que finalement, ce qu'il fallait, c'est que ceux qui n'étaient pas satisfaits se retrouvent dans le journal, ceux qui étaient très satisfaits se retrouvent dans le journal, et puis ceux qui ne savaient pas trop, ni trop, ni pour l'un, ni pour l'autre, s'y retrouvent aussi.
Moi, j'avais à cœur de faire ce travail de journalisme, en quelque sorte, d'être objective.
Et quand on retrouvait dans ce journal cette objectivité, au fur et à mesure, c'est un journal qui est devenu de plus en plus lu et qui était attendu.
Je me souviens d'une fois où on avait un sub-problème d'impression, et le journal est arrivé avec une semaine de retard sur les bureaux.
Les salariés disaient « mais qu'est-ce qui se passe, on attend le journal, on attend le journal ».
Ça, c'est dingue.
Ça, c'était peut-être la plus belle récompense quelque part, parce qu'ils l'attendaient, ce journal.
Et c'était devenu le canal le plus lu par les salariés de la région.
Parce que je pense qu'ils y retrouvaient un peu d'eux-mêmes.
Ils se voyaient en photo, parce que j'avais insisté sur le fait qu'il fallait qu'ils imagent.
Déjà, on parlait de moins de vidéos, mais il fallait qu'ils imagent.
Ils se voyaient, ça représentait ce qu'ils vivaient vraiment.
Est-ce que tu donnais la parole aussi à la direction ?
Tout à fait, bien sûr.
C'est un journal d'entreprise, l'entreprise est constituée de différents partis.
Donc, j'ai bien évidemment donné la parole à la direction, parfois même sur des sujets stratégiques, pour qu'ils puissent expliquer le pourquoi du comment, bien évidemment.
J'ai fait des interviews, mais j'ai plutôt incité mes journalistes d'un jour, comme je les appelle, à faire les interviews.
Et pour eux, c'était exceptionnel, parce qu'ils étaient dans une situation de journalistes, à interviewer le directeur général, avec un photographe à côté qui prenait en même temps les photos.
On était vraiment dans une situation de journalisme réel, et les directeurs jouaient le jeu. Les directeurs jouaient le jeu. Dans le comité de direction, ceux qui étaient les plus réfractaires, que te disaient-ils en off ?
Au début, il y avait quelques réfractaires qui estimaient que c'était impensable pour eux.
Pour eux, la communication était là pour dire que les choses étaient comme-ci, comme-ça, et c'est tout.
C'était à la direction de donner le là, et certainement pas au terrain d'aller dire, parce que sinon on allait se retrouver dans des situations compliquées, complexes, et la direction décidait, et elle devait donner le là, pour certains, pas tout le monde.
Heureusement, je n'en avais pas beaucoup dans le comité de direction qui raisonnait ainsi, mais j'avais certains qui ne me comprenaient pas.
Et comme j'avais le soutien de mon directeur général et de quelques directeurs, je n'ai jamais lâché.
Mon patron était simple en comité de direction, mais je n'ai jamais lâché.
Et j'ai essayé, au contraire, de démontrer, d'être pédagogue, et d'expliquer en quoi ça pouvait être intéressant pour un directeur.
Aller chercher des témoignages sur ce qui se passe, sur la manière dont les gens le vivent, vivent les choses sur le terrain, valoriser des salariés d'entreprise qui deviennent journalistes, et qui étaient issus des fois de cette direction, en plus, c'était pour moi la plus belle manière de reconnaître des salariés, de les impliquer dans la vie d'entreprise, et de les impliquer d'une certaine manière dans la direction d'entreprise.
Et au final, je me souviendrai toujours d'un jour, dans un comité de direction, où un directeur prend le journal dans la main et explique qu'il y avait un seul journal dans cette entreprise qui était utile et qui était lu, et c'était ce journal.
Et pourtant, Dieu sait qu'au départ, c'était très compliqué avec lui, et il avait fini par comprendre toute la pertinence du journal.
Parce que ça leur a servi, finalement, les directeurs.
Ça leur a donné énormément d'informations sur le terrain, informations qu'ils n'avaient pas toujours, parce que peut-être les managers ne voulaient pas toujours expliquer les choses honnêtement, que parfois, ils avaient aussi la déformation des organisations syndicales avec lesquelles il y avait beaucoup de contacts, ce qui est logique dans une direction.
Et donc, ça a donné une nouvelle façon de voir les choses, et puis parfois, ça a permis de se rendre compte que finalement, ce n'était pas si d'horreur que ça.
Parce que comme on donnait beaucoup la parole à cette majorité silencieuse, c'était rassurant en réalité.
Donc, le manager remontait les difficultés parce que lui, il entendait parler des difficultés.
Les organisations syndicales ne remontaient que les difficultés parce que, elles, c'est dans leur rôle.
En tout cas, c'est comme ça qu'elles le percevaient dans notre entreprise.
Donc finalement, c'est un journal qui a donné entière satisfaction.
Combien de temps ça a duré ?
Ça a duré six ans.
Et après, tu as changé de poste, c'est ça ?
Après, j'ai changé de poste et l'entreprise a été complètement réorganisée.
Donc voilà, ce journal, la région a disparu aussi.
Et donc, cette idée-là n'a pas été reprise.
On a le sentiment, en t'écoutant, que tu en gardes un souvenir, un bon souvenir ?
J'en garde un excellent souvenir parce que déjà, c'est ce qui m'a permis de faire le lien entre ma vie de journaliste d'avant et ma vie de communicante ensuite.
J'ai le sentiment d'avoir beaucoup apporté à cette équipe de journalistes que je revois régulièrement et qui m'en parlent toujours, parce qu'eux-mêmes ont vécu un moment incroyable, parce qu'ils avaient accès à des informations auxquelles ils n'avaient pas droit d'habitude, parce qu'il y avait un bel esprit d'équipe, parce qu'aujourd'hui, même en temps, la plupart sont devenus des managers, ou l'étaient pour certains, mais ils n'ont plus jamais rédigé leurs messages comme ils les rédigeaient avant.
Ils ne font plus un rapport comme ils les faisaient avant, parce qu'ils ont adopté les techniques journalistiques.
D'abord, je dis l'essentiel, je dis ce qui est important et après je déroule.
Et je ne dis pas l'essentiel dans ma conclusion, comme malheureusement on nous l'apprend souvent sur les bancs de la fac.
Voilà, donc j'en garde un bon souvenir parce que c'était une belle aventure, parce que je l'ai fini par y impliquer ce comité de direction, ce comité de rédaction, ces salariés qui appréciaient ce journal, et qui nous le faisaient savoir et nous le remerciaient.
Donc voilà, une très très belle aventure effectivement.
Est-ce que tu te souviens concrètement de ce qu'un de ces journalistes volontaires a pu te dire un jour ?
Est-ce que tu as une anecdote à nous partager ?
Beaucoup de remerciements.
Beaucoup de remerciements parce que j'ai donné confiance à certains et ils m'ont remercié pour leur avoir donné confiance.
Parce qu'il fallait que les salariés aient confiance pour aller leur confier ce qu'ils ressentaient, dans leur capacité à respecter le off, parce qu'ils assistaient beaucoup là-dessus.
À aucun moment on ne pouvait travailler en off.
Donc c'est le mot clé effectivement, la confiance et la transparence aussi.
C'est très intéressant.
Pour terminer encore deux ou trois questions, comment est-ce que tu vois, avec le recul, l'articulation entre communication et journalisme ?
Autrement dit, pour être plus précis dans ma question, à quel moment la com prend le relais du travail de terrain du journaliste ?
Le journaliste, il va aller chercher l'information.
Pour moi, il va essayer de digérer l'information qu'il a obtenue.
À un moment donné, on se retrouve avec un flux d'informations qui est souvent en lien avec un sujet de l'entreprise.
Et surtout quand on est sur des sujets stratégiques de l'entreprise, à un moment donné, il va falloir faire le pont et se dire que, tiens, ce flux d'informations que j'ai obtenu, il va falloir derrière que j'aille.
Moi, je cherchais des éléments de communication pour rassembler un petit peu tout ça.
Et je trouvais qu'à un moment donné, on allait pouvoir, dans un encadré, peut-être reprendre un petit peu des éléments de communication, des éléments de langage, de communication, pour pouvoir repréciser les choses.
Mais le travail du journaliste, le travail de terrain qui avait été fait, d'expression libre des ressentis, a été une force énorme pour pouvoir ensuite trouver les éléments de commun qui allaient pouvoir répondre à tout cela.
Donc, pour moi, c'est comme ça que je l'ai vu ce lien.
C'est clair.
Est-ce que tu penses qu'il est possible d'appliquer une formule équivalente, mais qui concernerait cette fois une communication externe ?
Tout à fait.
Je pense que c'est tout à fait possible de le faire, bien évidemment.
D'ailleurs, il est en sortie qu'il le fait aujourd'hui, puisqu'elle vient de créer un journal où elle va chercher des sociétaires, des clients, pour pouvoir alimenter le journal.
Donc, j'ai moi-même travaillé dans une autre entreprise où on allait aussi chercher des clients d'entreprise.
Donc, oui, je pense que c'est possible.
Je pense que c'est possible, en effet.
Et tu penses que c'est souhaitable pour les mêmes raisons, c'est-à-dire le levier de l'objectivité, de la confiance, qui permet justement de trouver son lectorat ?
Moi, je pense que c'est souhaitable et que c'est même le sens de l'histoire.
Parce qu'aujourd'hui, on a des réseaux sociaux, on a des outils numériques qui font qu'il y a une certaine liberté de ton qui est réelle.
Et les entreprises ne peuvent pas se passer, ne peuvent pas méconnaître ou taire cette liberté de ton.
Moi, je pense qu'elles doivent au contraire s'appuyer dessus pour pouvoir ensuite faire le travail de com' pour apporter des éléments.
Et aujourd'hui, je pense que c'est le sens, c'est le sens de l'évolution de la communication.
Honnêtement, la communication qui dit que tout va bien dans le meilleur des mondes en permanence, la communication bisounours que font certaines entreprises aujourd'hui, elle ne fonctionne pas, elle ne fonctionne plus.
Donc, il faut s'adapter et l'une des adaptations, à mon avis, ça passe par là, effectivement.
Cette capacité à aller chercher des témoignages, des vrais témoignages, la vraie vie, être en phase avec ce qui se passe réellement et pouvoir ensuite apporter des éléments qui vont bien.
Mais je pense qu'on ne pourra plus refaire l'économie, c'est le sens de l'histoire en un sens.
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